Stratégie de gestion du risque d’entreprise faisant intervenir la notion d’adaptateur Partie II Investir dans la résilience : Favoriser la gestion des ressources humaines et financières

par M. Bruce Beck, D. Ingram et M. Thompson

Gestion du risque, juin 2022

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Dans cette deuxième partie de notre article[1], nous mettons l’accent sur la fonction d’enrichissement de l’adaptateur. Si la fonction de commutation de l’adaptateur décrite à la partie I est axée sur l’exploitation d’une entreprise déjà « bâtie », sa fonction d’enrichissement est axée sur ce qui précède cette étape opérationnelle. Il s’agit d’investir dans la composition et le tissu bâti de l’entreprise – son portefeuille diversifié d’actifs, ses employés et leurs compétences – pour permettre à cette entreprise de fonctionner avec résilience. Cet enrichissement de l’adaptateur pourrait même permettre à l’entreprise de profiter des avantages d’un « bond en avant » dans le cadre d’une « destruction créatrice » de type schumpeterien.

Mais nous n’avons pas encore tout à fait terminé avec les rouages de l’ingénierie du contrôle qui a motivé notre argumentation dans la partie I, parce que la résilience repose essentiellement sur la dynamique d’un système. L’ingénierie derrière les points de contrôle est la suivante : Adoptez le comportement dynamique du système tel quel (qu’il s’agisse d’économie, d’entreprise, de portefeuille) et transformez-le pour qu’il soit plus à votre goût. Nous conclurons sur un élément qui va plus loin, quelque chose qui semble étrange : un système en « phase non minimale ». Peut-être pourrait-on l’exploiter pour perturber la propension d’un portefeuille d’investissement à souffrir de procyclicité au niveau des marchés et dans les économies du contexte opérationnel de l’entreprise.

Le caractère exceptionnel de l’adaptateur : Rappel

Voici l’essentiel de notre argumentaire. L’adaptabilité rationnelle (AR) pour la gestion du risque d’entreprise (GRE) est en place depuis plus d’une décennie. Chaque stratégie d’adaptation au risque de ce régime – maximaliste, prudent, pragmatiste et directeur – est idéalement conçue pour répondre aux besoins de l’une des quatre saisons du risque (figure 2, partie I). Ce quatuor peut être désigné « les quatre rationalités fondamentales de la théorie de la culture (TC) ».

La cinquième rationalité de la TC (celle de l’adaptateur) n’apparaît pas dans notre régime antérieur d’AR pour la GRE. Jusqu’à présent, elle est restée inactive. En tant que stratégie spéciale +1 de l’adaptateur, cette cinquième rationalité doit remplir deux fonctions qualitatives différentes :

  • Remplacer la stratégie d’atténuation du risque fondamentale de l’entreprise par une autre au tournant d’une saison du risque.
  • L’enrichir pour nous assurer que l’entreprise a les moyens, entre autres, d’accélérer le changement, précisément parce que l’adaptateur a maintenu la viabilité de la nouvelle stratégie de gestion des risques qui remplacera, le moment venu, la stratégie fondamentale de l’entreprise.

Il existe une version longue et une version courte du caractère exceptionnel de l’adaptateur : Une étiquette T signalant (littéralement) un temps lent, c’est-à-dire le comportement des choses et leur évolution à long terme; par opposition à une étiquette t, pour un temps court et des variations à court terme, notamment l’échelle quotidienne de prise et de mise en œuvre de décisions relatives à l’atténuation des risques par les quatre stratégies. Chacune des stratégies (maximaliste, prudent, pragmatiste et directeur) utilise ses propres données d’exploitation de l’entreprise, auxquelles il est fait référence en temps court t. Il s’agit de données sur le flux de perturbation des risques entrants d(t) aux figures 1 et 3 de la partie I, sur le rendement de la société sortante y(t) et sur les décisions de la société u(t).

Par contre, l’attention de l’adaptateur se concentre sur l’état de la composition de l’entreprise, car cette fonction évolue à long terme T. La construction d’une entreprise n’est pas « chose faite une fois pour toutes ». Il s’agit d’un processus continu, même si (et c’est le cas) c’est dans le temps lent T. Pour enrichir ainsi le système, l’adaptateur peut être alimenté en données sur la structure en constante évolution de l’entreprise, comme en témoigne notre ingrédient spécial d’ingénierie du contrôle des paramètres de modèle variable dans le temps α(T). Ces α(T) sont les coefficients qui apparaissent, par exemple, dans des modèles de type économétrique sur la façon dont les facteurs d(t), y(t) et u(t) varient et sont liés entre eux.

Compte tenu de la méconnaissance assurée de la plupart des lecteurs de cet appareil (α(T)), la partie I fournit un lien vers une longue discussion à ce sujet. Nous pouvons dire qu’il s’agit d’un exercice permettant d’entrer dans l’abstraction de paramètres-espace α(T) et de s’y déplacer. Mais tout cela comporte des moments plus légers, et peut parfois même vous faire sourire.

Ce que nous pouvons trouver et admirer dans la résilience de la nature

Celle dont nous parlons si aisément dans un langage de tous les jours et que nous semblons tant souhaiter – la « résilience », pour ne pas la nommer – est quelque chose que nous devrions qualifier d’expérience manifeste. Nous observons quelque chose que nous interprétons comme faisant partie de son essence dans le terme « rebondir », comme une économie qui rebondit pour récupérer son équilibre d’avant perturbation ou sa tendance de croissance. Nous observons cela comme un élément du comportement orienté vers l’extérieur d’un système, dans les résultats de l’extrant opérationnel et de la réponse – techniquement, le y(t). Une grande partie de ce que nous ressentons avec ces caractéristiques orientées vers l’extérieur provient de ce qui se trouve à l’intérieur, dans la structure et dans la composition α(T) du système.

Le sentiment de résilience qui se dégage de la présente partie de notre article, c’est-à-dire la résilience en tant que propriété systémique, est attribuable à l’origine aux écologistes des systèmes.[2] Donc, si nous demandions quel pourrait être l’incarnation de ce que nous admirons tant dans la résilience des écosystèmes de la nature, ce serait notre réponse. Une partie de la pinède est détruite par le feu; au sol de cette parcelle de forêt se trouve un cône enduit de résine; la résine a besoin de la chaleur intense du feu pour fondre, avant que ne s’amorce la germination; pour la régénération, en un mot, la renaissance.

Cette renaissance, qui est le noyau de la résilience, appartient aux systèmes de la nature. C’est la renaissance qui mène à la répétition du cycle passé. La graine de pin germinée mûrit pour devenir exactement la même espèce de pin dans la forêt que le cône duquel elle a dérivé, du moins durant notre vie. C’est le produit que nous considérons aujourd’hui comme le résultat d’années d’évolution naturelle.

Par contre, le bond vers l’avant vers un cycle nouveau inédit appartient aux systèmes de l’homme. Ce bond vers l’avant est un processus d’évolution (relativement) « super rapide » sur peut-être des mois à une décennie ou deux (donc de l’ordre de T). Cela se produit dans les supra-systèmes en évolution conjointe (désignés comme {…}) de {technologie}, {économie}, {besoins-désirs humains} et {ressources mobilisables}.

Bref, la distinction entre la résilience et le bond vers l’avant réside dans ces couples juxtaposés : La renaissance et la répétition par rapport à la nouveauté; la nature par rapport à l’homme; par rapport à des mois-années-décennies, maintenant et à venir.[3]

On peut dire que la reprise après un choc à l’intérieur d’une période de risque sans changement est le retour de la stabilité locale dans le comportement de l’entreprise. Le fait de naviguer avec aplomb à travers tous les aléas et les changements au cours des saisons (ainsi que les chocs pendant la saison en cours) – et donc de passer du dernier cycle d’affaires, tout à fait prêt à entreprendre un autre cycle – peut être considéré comme la résilience mondiale du comportement d’une entreprise.

Voici un élément du noyau de la résilience : La diversité des espèces dans l’écosystème. Laquelle est à comprendre et sous-entend ce qui suit.

L’organisation dans un écosystème

Essentiellement, l’écosystème dans son ensemble demeure résilient (et n’échoue pas) en fonction de la diversité de ses éléments (l’espèce); chacune des espèces remplit des fonctions sans lesquelles l’écosystème dans son ensemble ne demeurerait pas viable, pour persister et durer. En effet, en examinant plus en profondeur les détails de l’organisation des écosystèmes, on soutient que le dédoublement de l’exécution de ces fonctions essentielles à l’ensemble du système par plus d’une partie (une espèce) est essentiel pour la résilience. Contrairement à notre vision technocratique des systèmes, la redondance (et même une certaine inefficacité) dans l’exécution de ces fonctions par plus d’un mécanisme – plus d’un employé, plus d’un mécanisme d’investissement – est cruciale.

Nous rencontrons dans le monde naturel ce que nous en sommes venus à appeler des « écosystèmes ». Nous nous sommes penchés sur leur organisation pour comprendre l’essence de ce qui confère la résilience au comportement et à l’intégrité de ces systèmes, que nous avons (tous) appris à connaître et à chérir. Ce que nous voyons aujourd’hui est, comme nous l’avons constaté, le fruit de processus évolutifs par rapport à ceux du passé, bien au-delà des cycles économiques relativement courts.

Pouvons-nous, nous aussi, intégrer quelque chose de cet élément essentiel à nos systèmes de résilience d’entreprise? Eh bien oui... peut-être.

Pour commencer, nous avons besoin d’un plan de principe pour surveiller le potentiel décroissant (ou croissant) dans la composition interne de l’entreprise pour naviguer avec résilience dans l’environnement du risque, cycle opérationnel après cycle opérationnel. Un tableau de bord adaptateur pourrait bien être ce que nous cherchons. Par la suite, nous devons être convaincus que ce tableau de bord pourrait fonctionner dans la pratique.

La pensée d’un tableau de bord – pour assurer le suivi de la diversité et du double emploi dans le cadre des activités d’une entreprise

Le problème traditionnel en économie – l’affectation de ressources rares pour répondre aux besoins et aux désirs humains – a été abordé dans les cinq points de vue (maximaliste, prudent, directeur, pragmatiste et, exceptionnellement, adaptateur). Il s’agit d’un chapitre dans l’ouvrage publié en 2010 et intitulé The Limits to Scarcity. Contesting the Politics of Allocation. Le chapitre était fondé sur l’aperçu d’une comédie en un acte avec les cinq personnages dramatiques susmentionnés, chacun ayant sa propre « façon d’économiser ».

Voici ce qu’il faut retenir : l’idée d’un tableau de bord adaptateur. La rareté en soi n’est pas le problème. C’est lorsque la voix de l’un ou l’autre des cinq personnages est réduite au silence – lorsque les décisions stratégiques fondées sur la rareté deviennent incontestées – que « les petits voyants rouges devraient se mettre à clignoter ».

Le moment d’activer les voyants lumineux : Pour un tableau de bord, rien de moins!

Début de la mise en forme : Tableau de bord de l’adaptateur

C’est l’idée naissante. La résilience dans la composition organisationnelle d’un écosystème dépend de la préservation de la diversité des espèces : Maintenir l’exécution des fonctions essentielles pour assurer la viabilité de l’ensemble du système, d’où la capacité de ce dernier à durer et à évoluer à long terme.

La résilience dans la composition organisationnelle d’une entreprise devrait donc dépendre de la préservation de la viabilité des cinq attitudes, l’adaptateur étant muni d’un tableau de bord muni de lumières clignotantes de couleur indiquant la viabilité – ou autrement – de chacun des quatre autres stratèges en gestion des risques. En principe, aucun de ces quatre stratèges ne devrait jamais être empêché de s’exprimer ou se retirer (sans fidèles, défenseurs, promoteurs).

Alors, réfléchissez-y. Dans tout ce que nous avons abordé jusqu’à présent – en ce qui concerne l’adaptabilité rationnelle pour la GRE à l’aide de la typologie surprise, en ce qui concerne la fonction de commutation de l’adaptateur dans le schéma de contrôle en cascade de la figure 3 (partie I) et son étoffement subséquent – le nouvel autopilote pour la nouvelle saison du risque devrait être prêt à occuper la place prépondérante dans l’entreprise « en un rien de temps ». Si ce pilote automatique a été rendu non viable, oubliez la résilience de l’entreprise à plus long terme. Mentionnons par exemple la « Grande modération » de l’économie américaine de 1984 à 2007 (source d’inspiration de notre saison de modération). Pendant une si longue période de tout type de contexte de risque, les personnes et les groupes ont tendance à adopter à l’égard du risque une attitude cohérente avec cet environnement de longue date, tandis que d’autres s’essoufflent. Après tout, compte tenu de la Grande modération, l’expansion et le ralentissement en tant que tels (incertains également) auraient dû enfin être bannis du cycle économique. La seule façon doit être la manière du directeur assurément?

Des avertissements auraient influencé positivement l’adaptateur – s’il y avait eu un tableau de bord avec des avertissements … et un adaptateur pour les capter et les comprendre.

Réfléchissez à cela aussi, en passant. La créativité au chapitre du règlement de problèmes devrait découler d’une pluralité de décisions possibles d’adaptation au risque, parmi lesquelles la seule et unique décision est retenue pour adoption. Autrement dit, il devrait y avoir l’avantage d’une pluralité d’« objectifs à atteindre » avant de procéder.

Surveillance et investissement dans les ressources humaines d’un système : L’écosystème d’innovation de Linz, en Autriche

Il en va de même pour l’écologie des systèmes, les mêmes pistes qui nous ont amenés aux petits feux rouges pour contester la politique de répartition des ressources.

Il y a quelques années, la ville de Linz a mis sur pied un écosystème d’innovation sur le site d’une ancienne usine de tabac (Tabakfabrik). Des dizaines d’entreprises sont maintenant établies sur le site. Un inventaire (et non un tableau de bord en tant que tel) de quelque 60 « types de personnalité » parmi les employés répartis entre ces entreprises a été dressé et est activement tenu à jour.

Chaque type de personnalité joue un rôle précis : Qu’il s’agisse du « chercheur » ou du « destructeur », ou encore d’une foule de types intermédiaires, y compris des types de personnalité bien adaptés pour profiter de certains progrès. Plusieurs de ces types jouent des rôles assumés par des employés classés comme maximaliste, prudent, directeur, pragmatiste et adaptateur. Le relevé des ressources humaines pour l’ensemble de l’écosystème de l’innovation représente donc une matrice 2D : des rôles et de la rationalité de leur société mère (et, bien sûr, entre parenthèses, de leur affiliation à l’entreprise). En fait, il existe un tableau de bord avec plusieurs panneaux de lumières colorées, chacune pouvant clignoter.

En réalité, dans l’écosystème d’innovation de Linz, un tableau coloré à barres coulissantes a été assemblé à partir de données d’enquête auprès du personnel. Il fait référence à 12 types de personnalité (compétences et rôles des employés). Chacune des 12 barres est composée d’un segment rouge, d’un segment blanc et d’un segment bleu : Les barres rouges pour « plus » de tels types, les barres blanches, pour situation « OK » et les barres bleues pour « moins » de tels types. Il ne s’agit pas tout à fait de lumières rouges clignotantes, mais on en a l’idée.

De plus, des mesures sont prises en fonction du statut du tableau de bord : Communiquer avec qui que ce soit (quelle que soit l’entreprise) les événements suivants : Un témoin lumineux rouge clignote dans le tableau de bord pour signaler l’absence visible du campus de l’écosystème d’un employé ayant le trait de personnalité requis. Ou pire encore pour la résilience de l’écosystème, de multiples feux rouges clignotants signalent qu’aucun employé n’a les qualités recherchées dans l’un ou l’autre des rôles classés, par exemple pragmatiste, par conséquent l’absence d’une voix entière sur le campus ou d’une stratégie complète et distincte d’atténuation des risques. Imaginez une entreprise sans candidat compétent en vertu de la stratégie de diversification du pragmatiste, lorsque la saison de transition du risque de l’entreprise passe à l’incertitude. La mesure à prendre consisterait à éviter une telle situation : former ou recruter un employé ayant les compétences requises.

Cette fonction – et c’est la phrase-clé – équivaut à un adaptateur qui investit dans la promotion de la composition du capital humain de l’écosystème (entier) d’innovation.[4] C’est la deuxième fonction qui accompagne la fonction de commutation de l’adaptateur (de l’échange automatique).[5]

Quelque chose du genre chez un assureur?

Les mots que nous utilisons ici sont quelque peu éloignés de la personne, de l’employé. Il y a d’abord les « fonctions essentielles à la mission de l’ensemble du système », comme les quatre façons d’atténuer les risques. Chacune d’elles est extrêmement critique selon la saison de risque donnée. Deuxièmement, il y a des grappes d’employés qui, naturellement et inévitablement, s’organisent en fonction de la dynamique du pouvoir social au travail et en fonction de l’entreprise. Ces groupes—« rationalité », « solidarité »— exécutent collectivement les fonctions essentielles à la mission.

En réalité, il y a nous le peuple; nous sommes des êtres humains tout à fait ordinaires. Nous exerçons une influence sur les autres, ils l’exercent sur nous, et certains d’entre nous – les PDG, par exemple – ont sensiblement plus de pouvoir que d’autres.

Des personnes qui ont déjà été victimes de préjugés liés à l’atténuation des risques sont embauchées; pendant leur parcours dans l’entreprise; elles peuvent passer d’un poste antérieur en gestion du risque à un autre (et un autre encore); et elles partent à la retraite et apportent avec elles leurs préférences évoluées en matière d’atténuation des risques. Il peut suffire de la retraite d’une seule personne pour que toute une stratégie soit perdue pour la société, par exemple celle du prudent. Le chef de la direction peut déterminer les embauches et les renvois. Les chefs de la direction peuvent imposer leur préférence d’atténuation des risques à toute préférence actuelle d’un employé.

Des choses se produisent; la vie passe. Pourtant, au milieu de la dynamique du pouvoir social de l’entreprise – mais d’une manière étonnamment désintéressée – l’adaptateur est censé garder un œil (tout aussi efficace) avisé sur la diversité des talents pour relever le risque parmi nous tous – pris dans la tourmente de toutes ces dynamiques.

Prenons la maquette ci‑dessous (tableau 1) d’un tableau de bord de l’adaptateur. Elle a été assemblée en fonction de nos travaux antérieurs sur l’AR pour la GRE.[6] La répartition du personnel qui applique chacune des quatre stratégies d’atténuation des risques est présentée pour 14 assureurs différents. Les exemples en rouge peuvent être préoccupants pour notre adaptateur hypothétique dans n’importe quelle entreprise. Il s’agit d’entreprises dans lesquelles (au moment de notre sondage) moins de 10 % ou plus de 50 % du personnel adhérait à une ou plusieurs des quatre stratégies. L’instinct nourrissant de l’adaptateur de l’entreprise consisterait à préconiser le rééquilibrage de ces distributions asymétriques.

Tableau 1
Tableau de bord de l’adaptateur

Société Prudent Directeur Maximaliste Pragmatiste
1 4% 38% 27% 31%
2 18% 38% 33% 12%
3 19% 36% 26% 19%
4 13% 31% 31% 24%
5 0% 44% 0% 56%
6 12% 41% 20% 27%
7 8% 38% 38% 15%
8 0% 44% 44% 11%
9 0% 40% 27% 33%
10 24% 47% 22% 7%
11 8% 54% 31% 8%
12 10% 34% 24% 31%
13 3% 52% 19% 26%
14 29% 41% 21% 9%

Le défi est le suivant. Dans la foulée du présent article, la présence et la pratique de certains éléments d’une stratégie d’adaptateur pourraient-elles accroître la durabilité de la pluralité des éléments à considérer avant de prendre une décision? Quelles leçons pourraient être tirées de la pratique dans l’écosystème d’innovation de Linz et transposées dans une société d’assurances?

Alors, que pourrait faire un adaptateur pour la composition financière de la société?

Si nous pouvons proposer d’affecter à l’adaptateur la tâche d’investir dans l’amélioration de la composition sociale d’une entité, pourquoi ne pas suggérer de lui confier la tâche d’améliorer sa composition financière?

En effet, une caractéristique de conception nouvelle (et peut-être plus importante) peut être ajoutée aux principes originaux d’organisation de l’écosystème. C’est l’échelle. L’idée est la suivante. La résilience au sein de l’organisation, conséquemment le comportement d’un écosystème, réside dans la présence et le maintien de la diversité entre les parties (espèces) et le dédoublement (donc la redondance) dans l’exécution des fonctions essentielles à l’échelle du système. Il est plus facile d’y parvenir en ce qui concerne, premièrement, la taille et la masse des espèces et, deuxièmement, l’étendue spatiale de leurs activités. Le rôle de la variété et de la diversité dans les échelles temporelles de leurs comportements dynamiques respectifs est un peu moins évident.

Pensez-y. Bien que de tailles, de plages spatiales et de dynamiques métaboliques très différentes, la souris et l’orignal remplissent deux fonctions essentielles à l’échelle globale d’un écosystème de milieux humides : Renouvellement et nouvelle dispersion des nutriments; conditionnement et dispersion des semences. Dans nos termes d’ingénierie du contrôle, chacun a ses propres paramètres systémiques et dynamiques assez différents : temps mort (court – long); constante dans le temps (rapide – lent); fréquence naturelle (élevée – faible); facteur d’amortissement (petit – grand); gain de régime permanent (petit – grand), etc. Nous pouvons donc concevoir une autre catégorie abstraite d’espace de conception paramétrique : d’un α(T) associé aux propriétés dynamiques intrinsèques d’un portefeuille, qui varient lentement dans le temps. Voyez, en fait, l’affaiblissement au fil des ans et des décennies des forces de restauration (qui s’apparentent à un facteur d’amortissement) dans les économies nationales, comme l’indique le lien ci-dessus.

Le comportement dynamique de l’ensemble d’un portefeuille d’actifs financiers est idéalement conçu pour minimiser (entre autres) la procyclicité des comportements de ses parties constituantes. Bien qu’elles produisent un rendement crucial pour l’ensemble du portefeuille, les parties pourraient le faire d’une manière très diversifiée dans leurs réactions temporelles individuelles à un seul et même choc financier : certains actifs devraient augmenter, d’autres diminuer. À quelle fin certains paramètres sont rattachés à la singularité dynamique d’un système appelé « phase non minimale »?[7] Quels actifs financiers pourraient afficher ce genre de comportement en réponse à quel type de choc?

Post-scriptum

Il existe un ensemble de théories dans le domaine de l’ingénierie du contrôle qui porte sur le contrôle adaptatif. Étonnamment peut-être, il n’a été invoqué dans aucune des deux parties de cet article. Mais certainement dans le lien entre les parties I et II, et il y en a davantage dans un post-scriptum. Une catégorie particulièrement intéressante de contrôle adaptatif y est abordée. On l’appelle « contrôle adaptatif double ». Il reviendrait à sonder les inconnues en matière de risque et à diriger l’entreprise en prenant une seule et même décision de tarification ou de provisionnement. Il y a davantage de « discussions » à tenir dans l’espace α(T).

Les faits énoncés et les opinions formulées dans le présent document sont ceux de chaque auteur et ne correspondent pas nécessairement à ceux de la Society of Actuaries, des rédacteurs du magazine ou des employeurs des auteurs respectifs.


M. Bruce Beck, Ph. D., est chercheur en résidence auprès du cabinet FASresearch, à Vienne, et chercheur principal invité auprès de l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA). On peut le joindre à mbrucebeck@gmail.com.

David Ingram, FSA, CERA, FRM, PRM, est expert-conseil à temps partiel auprès de la société Actuarial Risk Management et chercheur, rédacteur et conférencier indépendant en matière de GRE et d’assureurs. On peut le joindre à dingramerm@gmail.com.

Michael Thompson, Ph. D., est chercheur émérite auprès de l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA). On peut le joindre à michaelthompsonbath@gmail.com.


Endnotes

[1] Notre article intitulé « The Adaptor Emerges » figure dans le numéro de décembre 2021 du magazine The Actuary. Il est accessible à cette adresse : https://theactuarymagazine.org/the-adaptor-emerges/. Il s’inspire de notre rapport de recherche adressé à la Society of Actuaries et intitulé « Modeling the Variety of Decision Making » (2021).

[2] Les différences importantes entre les attributs de la stabilité, de la résilience, du rebond, du renouveau (au sens écologique), du bond vers l’avant et de la destruction créative (au sens économique) sont abordées en détail dans le lien. Il est toutefois important de noter que la nature du rebond a été assimilée par l’écologiste des systèmes Holling à la résilience technique – en particulier à l’« ingénierie » du génie du contrôle (!) – lorsque ce qu’il prétend être vraiment nécessaire est une bonne partie de ce qu’il appelle la résilience écologique.

[3] Le bond vers l’avant, par opposition à la résilience (comme il est mentionné dans le lien), est un exemple positif de cette expression « changement structurel », souvent entendue en économie et fréquemment associée aux écoles d’économie évolutive et d’économie de complexité, sous la forme des systèmes suprarégionaux en évolution que nous venons de mentionner. Mentionnons notamment l’ouvrage de W. Brian Arthur publié en 2009 The Nature of Technology. What It Is and How It Evolves. Le traitement du changement structurel dans le lien est en soi un exercice de réflexion systémique interdisciplinaire. Toutes les idées fondamentales (et les façons de composer avec le changement structurel) découlent du livre de 2002 Environmental Foresight and Models: A Manifesto. Il a été rédigé et édité par MBB.

[4] Y compris les structures et les procédures permettant d’atteindre la plus haute qualité de concertation dans la gouvernance quant aux décisions prises par l’entreprise.

[5] Ce qui soulève la question suivante : Qui est le type d’adaptateur pour l’écosystème d’innovation de Linz? Nous proposons Harald Katzmair, fondateur et PDG de FASresearch, à Vienne. Il refuse toutefois sagement de confirmer ou de nier toute attribution de ce genre.

[6] Underwood, Ingram, et Thompson. « All on the Same Train But Headed in Different Directions », Intelligent Risk (2014).

[7] Un aéronef se comporte comme un système de phase non minimale au sens suivant: Si le pilote souhaite que l’avion grimpe, il y parvient en faisant tomber le centre de masse de l’appareil avant qu’il ne monte. La nature générale d’un système de phase non minimale fait donc en sorte que sa réponse initiale à la perturbation va dans le sens opposé à sa réponse ultérieure (et durable).